Sergeï Potisek nous donne son avis sur deux faits marquants de l’Enduropale du Touquet 2019 : les bouchons et la pénalité reçue par Camille Chapelière.
L’Enduropale du Touquet 2019 a sans doute été l’une des plus belles éditions de ces dernières années : un temps magnifique, un plateau de pilotes internationaux de haut niveau et des duels tout au long de la course. Le replay vidéo est à regarder sans modération.
On se souviendra notamment de la bagarre exceptionnelle entre Camille Chapelière et Adrien Van Beveren pour le Holeshot, du rythme énorme imposé par Jérémy Van Horebeek et Camille Chapelière pendant 1h30 de course, et enfin du duel tant attendu entre Milko Potisek et Nathan Watson.
Cependant, deux éléments moins positifs ont marqué cette édition 2019. 1/ La nouvelle difficulté « butte/fosse » au niveau du Touquet, à l’origine d’un énorme bouchon forçant les pilotes à couper le tracé dès le début de course. 2/ La pénalité « stop and go » de 1 minute infligée à Camille Chapelière pour avoir, en tant que leader de la course, coupé la piste avant la décision officielle des organisateurs.
Nous avons demandé à Sergeï Potisek, ancien top-pilote de sable et désormais commentateur de différentes courses sur sable, de nous donner son avis sur ces deux faits marquants.
1. Que penses-tu du tracé de l’Enduropale du Touquet 2019 dans sa globalité ?
Le tracé évolue dans le bon sens depuis quelques années. Il faut dire qu’on était parti de très loin (« nul à chier » pour être précis) après l’arrêt des dunes. La pression de la DreamTim, l’arrivée de David Hauquier à l’organisation, de Frédéric Schots à la Ligue motocycliste des Flandres et la prise de conscience qui en a découlé à la ville du Touquet et à la FFM furent importantes pour la bonne évolution. Les conditions climatiques étaient favorables cette année mais il faut apprécier la qualité des sauts et du circuit dans son ensemble. Il y a et il y aura toujours à redire mais personne ne peut se rendre compte de la difficulté pour arriver au résultat obtenu.
J’ai pour ma part soulevé deux erreurs. D’abord la partie avec la fosse qui n’a pas été assez bien pensée et surtout qui n’a pas été revisitée suite au problème rencontré avec la course Vintage du vendredi. Ensuite la sortie du patio d’arrivée avec le béton qui ressortait et le trou qui s’est créé juste avant. Le bouchon a failli ruiné l’aspect sportif de la course et a déstabilisé les officiels.
2. Que penses-tu de la difficulté « butte / fosse » qui a créé le bouchon principal ? Dans l’absolu, cette difficulté est-elle une bonne chose pour les pilotes et les spectateurs ?
C’est une excellente idée mais cette difficulté n’a pas été assez bien conçue. La difficulté butte/fosse est bien pour les pilotes dans une configuration qui permettrait d’accueillir 1218 pilotes. Ici ce n’était pas le cas. L’ajout de difficulté est un travail effectué dans un intérêt global. Cela n’a pas fonctionné donc c’est un loupé. Cependant il ne faut pas seulement critiquer mais aussi saluer la volonté d’améliorer le tracé. Sur les 1218 pilotes ou l’ensemble des spectateurs, il n’y a pas 1% qui serait capable d’en faire autant.
3. Suite à la course Vintage du vendredi où l’on a assisté à un carnage complet (motos bloquées, bouchon énorme, et piste coupée au bout de seulement quelques minutes seulement) l’organisation aurait-elle dû anticiper ou supprimer cette difficulté ? Est-ce une erreur de l’organisation ?
Oui, c’est une erreur de l’organisation car l’échec lors de la course Vintage du vendredi aurait dû faire modifier cette zone pour le reste de la compétition.
Les bouchons de la course Vintage, filmés par Pilote de Sable :
4. Jusqu’à quel moment peut-on considérer qu’une difficulté est acceptable, sans qu’elle modifie la dimension sportive / compétition au profit du spectacle ?
Il n’y a pas une règle précise. C’est au bon vouloir de la personne en charge du circuit. Il faut un connaisseur expérimenté avec des qualités d’organisateur pour prendre ces décisions. Ce que David Hauquier a.
Mon sentiment est qu’il faut des obstacles qui ralentissent la vitesse et qui demandent plus de concentration et des efforts augmentés pour les pilotes. Des obstacles qui permettent aussi aux spectateurs de mieux regarder les pilotes et aux caméras de mieux filmer. Car tout cela est aussi lié à la vitesse de passage des pilotes.
5. Face à Sergeï Potisek sur France 3 NPDC, plutôt défenseur d’obstacles type Red Bull Knock Out, David Hauquier a exprimé son désaccord avec trop de « difficultés » qui incitent les pilotes à couper la piste et ainsi éviter la difficulté. Finalement David avait raison, c’est exactement ce qu’il s’est passé au Touquet. Qu’en penses-tu ?
Soit on ne fait rien, soit on essaie d’améliorer avec le risque d’avoir un loupé. Je partage l’avis de David de vouloir améliorer le tracé. Notre société française critique beaucoup dans tous les domaines, de plus en plus mais chacun ferait mieux de se remettre chaque jour en question pour s’améliorer plutôt que parler de ce qu’ils n’ont jamais fait.
Concernant la discussion sur le plateau de FR3, je parlais d’ajouter des vagues ou des virages et David critiquait les troncs d’arbres utilisés en Hollande. Je suis d’accord avec lui que ces rondins sont de la mascarade et la victoire a été dérobée pour non respect du tracé du circuit ce jour là. C’est mieux organisé au Touquet qu’à la Red Bull Knock Out.
6. Concernant les faits, quel est-ton avis personnel sur l’action de Camille Chapelière (premier leader à couper la piste, indication ou non des officiels, etc.) ?
Camille se retrouve en tête après le bouchon alors qu’il avait du retard sur Jeremy Van Horebeek. Une équipe concurrente porte réclamation. Les images télé sont visionnées par les officiels et la sanction est prise dans la volonté de respecter le règlement. Les officiels se moquent de savoir quel est le pilote concerné mais ils pénalisent sous pression de la réclamation et des images vues par le grand public.
Camille a été très bon en passant sur le talus à droite pour doubler les pilotes coincés dans le bouchon, puis de suivre les pilotes qui coupaient la piste à gauche en présence d’un officiel à proximité car :
- il n’était plus possible de passer et donc de continuer la course sur le tracé officiel (catastrophe sportive pour l’Enduropale et le motocross)
- d’autres pilotes l’ont fait avant lui donc : soit tu pénalises uniquement le premier pilote à l’avoir fait (qui n’est pas Camille mais un pilote amateur), soit tu pénalises tout le monde (impossible), soit une réunion de jury est prévue après la course mais tu ne casses pas le sport bêtement.
Aucun reproche ne peut être fait à Camille Chapelière puisque l’organisation n’avait pas prévu cette situation et n’avait pas de pince pour couper la sangle blanche, raison pour laquelle il y avait un officiel à cet endroit qui avait objectif d’ouvrir mais en était incapable ! L’importance de cette course fait perdre les pédales à l’ensemble de ses acteurs mais heureusement que Camille est passé à cet endroit.
[NDLR : Camille Chapelière s’est exprimé publiquement sur Facebook à propos de sa course au Touquet et de la sanction qu’il a reçue par les officiels.]
7. Que penses-tu de la décision des officiels concernant la pénalité « stop and go » infligée à Camille Chapelière ?
Les officiels n’ont pas pris la bonne décision selon moi comme un arbitre de foot qui siffle faute quand il n’y a rien ou qui refuse un but pour hors-jeu alors que c’est faux. Sauf qu’une course de moto, on ne peut pas la mettre en pause. La côte de Camille va augmenter avec cet événement mais la plus belle course de sa carrière est bousillée. J’ai connu cela au Touquet et ailleurs aussi malheureusement. C’est dur et ça reste.
8. Selon toi, quels éléments du tracé faut-il garder absolument au Touquet et sur quels éléments précis du faut-il travailler ?
Il faut tout garder du tracé actuel et refaire des vagues et un ou deux beaux virages supplémentaires.
9. Veux-tu ajouter une remarque particulière ?
L’Enduropale du Touquet et le Championnat de France des Sables ont énormément évolué. Je souhaite féliciter et remercier les quelques acteurs mais surtout celui qui est à l’origine de cela : Denis Guérin.
* DreamTim est l’association créée en 2010 par Sergeï Potisek, en l’honneur de son frère Timoteï Potisek décédé quelques mois plus tôt lors d’un entraînement de motocross, avec pour objectif notamment de renforcer la réglementation en matière de protection des pilotes.
Ayant suivi l’enduropale 2019 avec France Nord Pas de Calais, je suis en accord avec Sergueï. Ce fut une très belle course avec un final très théâtral ! Dommage pour Camille, car derrière la télé, on ne comprend pas tres bien pourquoi Camille et pas le premier à avoir coupé.