La 3e épreuve du CFS à Magescq a été annulée dimanche matin par la FFM. Nous avons demandé leur avis aux responsables de cette décision pour essayer de comprendre.
Pilote de Sable a contacté les différents responsables de l’annulation de la course de Magescq pour tenter d’en comprendre les raisons. Nous avons interrogé indépendamment Frédéric Schots (directeur de course), Gérard Brondy (arbitre FFM), Stéphane Dassé (organisateur de la course) et les managers des team principaux Jean-Claude Moussé (Yamaha), Christophe Meyer (KTM) et Josse Sallefranque (Honda).
Nous avons posé à chacun d’entre-eux les mêmes questions : 1/ Quel est votre sentiment sur la décision d’annuler la course ? 2/ Quel était personnellement votre avis et selon quel paramètre ? 3/ Y’a-t-il eu des erreurs et si oui comment aurait-on pu les éviter ?
L’objectif est de proposer un article complet pour permettre à chacun de comprendre la complexité d’une telle décision. Chacun est libre d’avoir son propre avis mais il est important de respecter tous les acteurs d’une telle organisation. Nous publions toutes les interviews dans un seul article pour éviter de créer des polémiques sur des passages isolés, comme aiment le faire nos confrères journalistes non-présents sur les événements, mais excellents commentateurs.
Frédéric SCHOTS, directeur de course FFM : « Toutes les conditions n’étaient pas réunies pour assurer la sécurité des pilotes. »
« Le responsable de l’annulation de la course de Magescq est la météo. Depuis plusieurs semaines la région connaît d’importantes pluies et des vidéos du terrain inondé ont circulé 10 jours avant la course. Dans ces conditions, nous avons décidé d’envoyer un observateur de la commission sable sur place lundi 11 novembre afin de faire un état des lieux. Après avoir rencontré Stéphane Dassé, observé les moyens à disposition et l’ampleur des travaux entrepris sur le circuit, nous avons décidé de maintenir la course aux dates prévues, en se laissant jusqu’au vendredi pour un avis définitif. Selon moi, nous aurions dû être patient et décider à ce moment-là de reporter l’épreuve de Magescq à une date ultérieure.
Le vendredi veille de course, l’organisation avait réalisé un travail important sur le circuit et nous avons donné le feu vert pour les épreuves du samedi. Mais des orages terribles et de la grêle ont perturbé la course « amateurs » du samedi matin, nous avons dû interrompre la course après 1h10 de course en raison d’un terrain devenu impraticable. Une « vigilance orange » a aussi été annoncée et nous avons pris la décision d’annuler les autres courses de la journée (65cc et Quads), puis celle du lendemain (Espoirs et Juniors).
Pour la course Motos, nous avons eu une réunion samedi à 17h avec la commission sable, les organisateurs et quelques team-managers. Personnellement mon avis était défavorable lors de cette réunion mais suite aux discussions, nous avons décidé de se donner une dernière chance et attendre jusqu’au dimanche matin pour donner un avis définitif. Dimanche matin, au vu des pluies encore annoncées sur la journée, nous avons décidé avec Gérard Brondy d’annuler la course Motos de Magescq pour une raison de sécurité des pilotes et d’accès aux secours dans la forêt. Toutes les conditions n’étaient pas réunies pour que la course se déroule dans de bonnes conditions, c’est une décision sage.
Avec cette météo compliquée, je regrette de ne pas avoir eu tous les éléments pour décider plus tôt. J’ai voulu faire ce qu’on fait depuis longtemps, réunir des personnes d’expérience et prendre une décision collective. Avec du recul, même si c’est facile de parler après coup, la meilleure solution aurait été de décider plus tôt de patienter et de reporter la course à une date ultérieure. C’est dommageable pour les organisateurs qui ont réalisé un travail immense, mais je le répète, toutes les conditions n’étaient pas réunies pour assurer une course en sécurité. »
Stéphane Dassé, organisateur de la course : « On aurait pu sauver les course Motos. Oui, ça aurait été une course compliquée mais c’est du motocross ! »
« Je suis dégoûté ! Autant j’étais le premier, après la course « amateurs » du samedi, à être d’accord pour dire qu’il fallait annuler les catégories 65cc et le Quads, car ça allait être trop compliqué et que les pilotes allaient s’embourber. Autant là, on pouvait sauver la course Motos ! On a fait le tour du circuit dimanche matin avec la commission sable, je leur ai montré que ça allait tenir. On avait disposé du sable jaune sur les abords de la piste et les engins pouvaient refaire tout le circuit en très peu de temps. J’ai proposé d’avancer la course à 12h pour éviter la pluie et de la raccourcir sur une durée de 2h. C’était largement jouable !
Mais ça n’a pas suffit, la FFM avait déjà pris sa décision. Plusieurs personnes présentes à la réunion avaient déjà un avis défavorable. Je pense que les intérêts individuels de chacun ont pris le dessus sur les intérêts sportifs et c’est vraiment dommage. Qu’on ne me parle pas de « sécurité », c’est des conneries ! On a même proposé à la fédération de creuser 3 accès supplémentaires pour que les 4×4 aient un accès total au niveau des bois pour ramener des brancards en cas de besoin. Effectivement on a fait une erreur au niveau des paddocks car les camions des pilotes s’embourbaient, on n’avait pas anticiper. Mais le circuit était largement roulable, on aurait pu prendre la décision de faire rouler les pilotes. Oui ça aurait été une course compliquée, mais c’est du motocross !
D’ailleurs après la décision de la FFM d’annuler la course, on a ouvert le circuit à l’entraînement et des pilotes ont roulé de 11h30 à 17h, et même des 65cc .. Je suis évidemment très déçu pour les pilotes qui, en grande majorité, auraient aimé rouler. Je suis aussi déçu pour tous les bénévoles et les entreprises qui nous aident depuis plusieurs semaines pour pouvoir accueillir cette course.
On aura besoin de temps pour digérer cette décision, moralement et financièrement car on a investi des moyens humains et financiers énormes. Pour finir j’ai aussi entendu dire que Magescq n’était pas vraiment un circuit de « sable » et que les courses du CFS devaient se dérouler sur des plages. Alors il faudra m’expliquer pourquoi, il y a à peine quelques mois, la FFM parlait d’intégrer Lommel au CFS la saison prochaine. C’est à n’y rien comprendre. »
Jean-Claude Moussé, manager du team Yamaha : « Nous avons chacun nos points de vue mais c’est à la FFM de décider. »
« J’ai vu le circuit vendredi et j’étais d’abord favorable au déroulement de la course. Puis samedi lors de réunion avec la FFM, c’était compliqué mais je ne me suis pas prononcé, car il y avait encore un espoir sur la météo et on voulait tous y croire. Mais dimanche matin il y avait trop d’incertitudes et dans ces cas-là, ce n’est jamais bon : l’état de la piste, le directeur de course qui annonce que la course n’ira pas au bout des 2h30, la FFM qui ne garantit pas de pouvoir assurer la sécurité des pilotes, le paddock qui était un bourbier, le contrôle technique qui n’était pas fait à 10h, et la météo qui annonçait encore de la pluie… Il y avait trop d’incertitudes, j’ai donc personnellement donné un avis défavorable dimanche matin.
C’est jamais évident car il y a eu un gros travail du club et ça, tout le monde le reconnaît. De l’expérience que j’ai, ça n’aurait pas été une course sur sable mais un bourbier de 7km. S’il fallait rouler, bien-sûr on était prêt à le faire, les pilotes étaient prêts jusqu’au dernier moment. Mais la vraie question est : veut-on faire des courses extrêmes ou des courses de sable ? Selon moi il y a assez de difficultés dans une course sur sable classique, on n’a pas besoin de difficultés « extrêmes » supplémentaires.
Je pense que cela aurait été une décision sage, et je le pense depuis le début, que Magescq organise une course hors-championnat pour se rendre compte de tous les paramètres et pouvoir les gérer. Ce n’est pas du tout une critique vis à vis des organisateurs, c’est un avis objectif. Le circuit de Magescq est très récent, on n’a aucun recul sur la piste. L’épreuve de Berck, pour laquelle je gère le tracé du circuit, s’est déroulée plusieurs années avant d’intégrer le championnat qui a des exigences techniques et de sécurité très élevées.
On a aussi un problème sur les courses sur sable ; en cas de problème, la FFM n’a pas la capacité de prendre une décision. Ce week-end, la décision a trop tardé. Nous, les team-managers, sommes consultés pour donner notre avis : j’ai donné mon avis pour Yamaha, Josse Sallefranque pour Honda et Christophe Meyer pour KTM. Nous avons chacun nos points de vue, mais c’est à la FFM de décider ! Le problème de la fédération, c’est qu’ils nous donnent un poids trop important. On porte des responsabilités qui ne sont pas les nôtres.
C’est toujours facile de parler après coup, mais il y a un gros facteur qu’il ne faut pas oublier, c’est la météo et ça personne n’y peut rien, mais il y a une décision qui devait être prise mardi et qui n’a pas été prise. »
Christophe Meyer, manager du team KTM : « Pour moi il fallait rouler, c’est clair et net ! »
« J’étais pour le déroulement de la course et contre l’annulation depuis le début du week-end. Depuis la validation de la FFM lundi, on s’attendait à une course difficile ; on savait qu’il allait pleuvoir, que ça n’allait pas être une partie de plaisir et qu’on allait en chier ! Le CFS est un championnat qui se déroule en hiver alors c’est pas la première fois et ça ne sera pas la dernière qu’on verra des conditions extrêmes.
Vendredi soir le circuit était top alors qu’il était inondé en début de journée, cela démontrait bien la capacité des organisateurs à préparer un circuit praticable en un temps record. Effectivement le samedi à 9h il ya eu de la grêle pour la course amateurs et, en raison de la « vigilance orange » de la préfecture, je comprends les décisions d’annulation des autres courses. Mais lors de la réunion de samedi, les organisateurs ont confirmé la possibilité d’avoir un terrain nickel pour dimanche matin, et la météo annonçait de la pluie dans des proportions plus raisonnables que la veille. Pour moi il fallait rouler, c’était clair et net !
La seule chose que j’ai demandé en réunion, c’est à propos de la sécurité des pilotes. Stéphane Dassé et son équipe ont proposé des éléments pour répondre aux exigences de la FFM et tout pouvait être réglé rapidement, notamment les accès pour les secours en cas d’accident dans les bois. La FFM a même fait des nouvelles remarques dimanche matin sur le tracé alors que le circuit avait été validé en amont, c’est pas normal. La sécurité n’était pas une raison valable à Magescq, je vais d’ailleurs demander des explications à la commission sable. Dans ce cas là, il faut aussi parler de la sécurité sur des courses comme Berck ou Le Touquet.
J’ai entendu des teams avoir peur d’abîmer leurs motos. Mais il faut revenir à la réalité : on est en hiver, il pleut, c’est du sable et des courses de 3h, donc oui on va user les motos ! C’est le principe du championnat, à ce moment-là on fait pas de courses sur sable. Ensuite sur le fait que nos pilotes pourraient être avantagés dans ces conditions extrêmes. Oui c’est possible que Nathan Watson s’en sorte bien car il fait du hard enduro, mais libre aux autres teams d’entraîner aussi leurs pilotes en Enduro. KTM est en tête du championnat, et dans ces conditions tout peut arrivé donc on avait autant à perdre qu’à gagner !
J’entends le promoteur du CFS dire que la FFM a écouté l’avis de David Hauquier et Jean-Claude Moussé pour leur expérience. KTM est là, KTM gagne des courses, KTM est en tête du championnat, KTM a de l’expérience. Dans mon passé très proche on gagne aussi le championnat du monde. Alors pourquoi on n’écoute pas Christophe Meyer ? A ce moment là ça ne sert à rien que je donne mon avis.
Le problème c’est que ça met tout le monde en porte-à-faux. À un moment il faut trancher et rester sur sa décision. La FFM doit décider plus rapidement. Tu ne peux pas faire déplacer 600 mecs comme ça et dire « on annule » au dernier moment, alors que t’as donné le feu vert une semaine plus tôt. Pour moi le directeur de course n’a pas donné sa décision assez tôt. Au MXDN à Assen, ils n’ont pas tergiversé, il ont décidé de lancer la course malgré les conditions extrêmes. En 2012 il y avait de la neige au Touquet et ils ont donné le départ. Pour moi dimanche il fallait trancher et dire « On y va ! ».
Josse Sallefranque, manager du team Honda : « On a rencontré des conditions météo exceptionnelles qu’on ne peut pas maîtriser, alors pourquoi s’entêter ? »
« J’ai donné un avis défavorable au déroulement de la course. Le seul paramètre qui m’intéresse est la sécurité des pilotes, je me suis blessé dans ma carrière et je connais les conséquences. Rouler 30 minutes dans la boue pour une manche de motocross avec 30 pilotes du même niveau OK, mais là c’est une course d’endurance de 2h30 avec 300 pilotes de tous les niveaux. J’ai posé la question suivante à la FFM : « s’il y a une fracture ouverte à tel endroit du circuit, pouvez-vous secourir le pilote ? » La FFM n’a pas su me répondre, c’est pourquoi j’ai émis un vis défavorable.
C’est la première fois pour le CFS qu’il y a ce type de problème car les autres circuits du championnat absorbent l’eau. Si il ya 90% des gens (pilotes, teams, commission) qui te disent « c’est compliqué », il faut se poser des questions. Quand on arrête une course au Touquet, c’est toujours une question d’eau : car la marée est montée trop vite. L’eau et le sable qui n’absorbe pas, c’est pas compatible.
Pour nous, sportivement parlant, on avait même une carte à jouer car Jérémy est 41e au championnat et l’abandon d’un pilote nous aurait forcément été favorable. Mais la sécurité des pilotes était la seule question car si on se blesse, on arrête la saison. C’est vrai qu’à notre arrivée, on s’est dit que ça allait être dur à gérer, sur un circuit avec des sections roulantes et des sections piégeuses. Mais ça pouvait le faire ! Mais avec cette pluie en abondance, tout s’est multiplié. Quand tu roules pour la victoire, tu vas très vite et tu peux te faire surprendre.
Je m’entends bien avec Stéphane mais on s’est pris la tête. A un moment je veux savoir si on pense à la sécurité des pilotes ou au business en premier. Je ne comprends pas. Là on a rencontré des conditions météo exceptionnelles qu’on ne peut pas gérer, c’est la nature qui nous rattrape, alors pourquoi s’entêter ? On ne peut pas être plus fort que ça. Pourquoi on n’a pas décalé la course et trouver une autre date ? Quand il tombe des trombes d’eau et que le circuit n’est pas praticable, c’est pas une épreuve de CFS. J’en suis sincèrement désolé pour Stéphane et son équipe, ils ont tout fait pour sauver l’épreuve mais ça n’a pas suffit. Le problème est aussi qu’on les a trop fait tourner en rond. La décision a été prise trop tardivement par la FFM, le club a trop bossé pour sauver un événement compromis d’avance. »
Gérard Brondy, arbitre FFM : « On a un seul critère, une obligation, c’est la sécurité. »
« Quand on est arbitre ou directeur de course, on a un seul critère, une obligation, c’est la sécurité. De part la nature du CFS, qui sont des courses pour mettre à l’épreuve les pilotes et les motos, on a mis de côté la praticabilité du circuit dans notre décision. La seule question qui s’est posée est : « sommes-nous en capacité d’aller chercher un pilote gravement blessé à tous les endroits du circuit ? ». On n’a pas été en mesure de le démontrer donc dimanche matin, j’ai rejoint Frédéric Schots sur la décision d’annuler la course. C’est une décision collective de Frédéric et moi.
Samedi, nous étions favorables a reporté la décision au lendemain car l’organisateur s’est engagé à répondre à nos demandes : creuser des accès secours dans la forêt, enlever l’eau à certains endroits de la piste et modifier une section de circuit. De plus, la « vigilance orange » devait s’arrêter dimanche à 3h du matin et l’épisode pluvieux à 6h. Avec l’annulation des courses Espoirs et Juniors, cela nous laissait 6h de travail pour préparer la course.
Cependant, il y a eu de nouvelles observations dimanche matin avec l’annonce d’une « vigilance jaune » avec de nouveaux événement pluvieux prévus entre 13h et 17h. J’ai pris la mesure de chaque personne. Je consulte l’ensemble des personnes compétentes capables de m’éclairer. On les a consultés mais ils sont sortis à chaque fois pour laisser le comité décidé seul. On prend nos responsabilités. A 9h30 il n’était pas question de confirmer le déroulement de la course, nous avons décidé l’annulation définitive.
La décision prise dimanche matin était la bonne, même si celle-ci est difficile a accepter pour tout le monde. Je souhaite tout de même rappeler un élément essentiel : on est bénévole, on a aussi un travail et une vie de famille à côté. Ce que je veux dire, c’est que dans des conditions aussi complexes, on touche à nos limites d’être humain. Tout est perfectible c’est sûr, mais on donne le maximum avec sincérité. Je peux vous dire qu’après ces plusieurs jours de combat pour permettre à cette course d’exister dans de bonnes conditions, j’étais à bout physiquement et émotionnellement. C’était très dur. Nous avons tout essayé, mais ça n’a pas été suffisant au vu des conditions météo. »
Propos recueillis par Pilote de Sable.
Je pense que la FFM a pris la bonne décision même si celle-ci à été tardive, dans ces conditions climatiques avec 300 Pilotes de tous niveaux il y aurait eu beaucoup de casse humaine sans parler de la casse matériel.
Le moto club a fait du super boulot et je dit bravo à les bénévoles qui ont bossé comme des malades pour que ce week-end soit une réussite mais la météo en a décidé autrement.Je n’approuve pas du tout le point de vue de Christophe MEYER, il compare le MX des nations d’ ASSEN avec 100% des pilotes professionnels a une course d’endurance avec plus de 80% des pilotes amateurs.Il gère des pilotes professionnels avec les moyens financiers les plus importants du parc CFS, pour ce team la casse matériel n’est pas un problème, ils appellent l’usine et reçoivent toutes les pièces dont ils ont besoins.Il ne faut pas oublier que la majorité des pilotes paient les pièces et n’ont qu’une moto pour la saison.Pour les frais de déplacement je pense que c’est plus important de rentrer avec nos pilotes sans une égratignure que d’aller les voir à l’hôpital.
Concernant le remboursement des engagements peu être que l’on pourrait aider le club avec en retour un week-end de roulage ou un stage sur le terrain.